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Recensement – Et ça commence

Un coup porté à la connaissance collective

Il n’aura fallu que peu de temps pour constater, de manière tangible, les conséquences désastreuses d’un choix politique irresponsable : celui de faire du recensement long un exercice volontaire. Les impacts, visibles depuis plusieurs années maintenant, sont toujours aussi criants pour les minorités linguistiques – et bien d’autres groupes suivront encore. Comment pouvait-on ne pas voir venir cette impasse ?

Dès la publication des données de l’Enquête nationale auprès des ménages, il est apparu évident que le portrait de centaines de petites collectivités canadiennes avait disparu. Plus de 1000 municipalités se sont retrouvées sans représentation statistique fiable, faute d’un taux de réponse suffisant. Sans une participation de masse, les résultats sont biaisés, partiels, parfois inutilisables.

Les communautés anglophones du Québec et les francophones hors Québec ont été parmi les premières à en faire les frais. Comment prétendre à une juste part des ressources publiques, à des services adaptés, à des subventions équitables, si l’on ne figure plus dans les données officielles ? C’est un principe fondamental : on ne peut défendre ce qu’on ne peut mesurer. Les conséquences de cette invisibilisation continueront de se faire sentir à mesure que les données déficientes alimenteront décisions et politiques publiques.

Pourtant, le scénario avait été dénoncé bien en amont. Dès 2010, lorsque le gouvernement Harper a annoncé la fin du caractère obligatoire du recensement long, sous le prétexte douteux de « protéger la vie privée », des voix issues du milieu scientifique, associatif, universitaire et municipal se sont élevées. Tous s’accordaient : sans données fiables, le Canada perdait une part précieuse de sa capacité à se comprendre et à s’améliorer.

Mais l’idéologie a prévalu sur la raison. L’exécutif conservateur a brandi la bannière de la liberté individuelle pour masquer un rejet plus profond de la science, des faits et même de la notion de service public. Le sous-texte était clair : réduire l’État, valoriser l’approche privée – même dans les domaines où l’intérêt collectif devrait primer.

Certains, encore aujourd’hui, défendent cette approche, avançant que l’ère numérique offre mille autres façons de collecter de l’information. Vraiment ? Mais selon quelles méthodes, avec quelles garanties de fiabilité, d’indépendance, de comparabilité dans le temps ? À quel coût pour les contribuables ? Aucune entreprise privée ne peut égaler l’expertise et la rigueur méthodologique de Statistique Canada, un organisme reconnu mondialement avant d’être affaibli.

Le taux de réponse de 68,6 % atteint lors de l’exercice de 2011 a été présenté comme un succès. Pourtant, selon les propres documents internes du gouvernement à l’époque, un taux inférieur à 70 % n’était pas jugé acceptable pour un recensement digne de ce nom. Aujourd’hui encore, le site de Statistique Canada regorge d’avertissements méthodologiques, signalant les limites des données de cette période, notamment en ce qui concerne les langues.

Heureusement, l’alternance politique a permis de revenir sur cette décision. Le recensement de 2016 a repris sa forme obligatoire – et avec lui, l’espoir de retrouver une lecture juste et complète de notre société. Il n’en reste pas moins qu’un simple décret a suffi à perturber gravement tout un système, prouvant à quel point la rigueur scientifique est vulnérable quand elle devient un enjeu politique.

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