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Le français à Montréal : 90 % des francophones sont inquiets

Par Marco Bélair-Cirino

Près de 90 % des Québécois francophones estiment que la langue française est menacée à Montréal, révèle un sondage Web mené par Léger Marketing en collaboration avec l’Association d’études canadiennes (AEC) et le Quebec Community Groups Network (QCGN), publié à la veille de la Fête nationale. À l’inverse, moins d’un anglophone ou allophone sur quatre partage ce point de vue. Ce contraste met en évidence un fossé important dans la perception de la vitalité du français sur l’île de Montréal.

« Il existe une quasi-unanimité chez les francophones quant au fait que le français est en danger à Montréal, ce qui n’est pas du tout le cas chez les non-francophones », souligne Jack Jedwab, directeur de l’AEC.

Selon lui, l’opinion publique a été influencée notamment par l’étude du démographe Marc Termote, qui prévoyait que les personnes utilisant le français à la maison deviendraient minoritaires à Montréal d’ici 2021, ainsi que par les actions de l’Office québécois de la langue française. « Cela a marqué un tournant dans la perception collective », estime M. Jedwab.

Pour les non-francophones, la situation semble moins alarmante. « Beaucoup perçoivent que le français progresse au Québec, notamment parce qu’un nombre croissant de non-francophones l’apprennent comme langue seconde », ajoute-t-il.

D’après le recensement de 2006, moins de 54 % de la population montréalaise parlait français à la maison.

Un sentiment d’inaction politique

Alain G. Gagnon, directeur du Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité au Québec (CRIDAQ), estime que le gouvernement québécois de l’époque, dirigé par Jean Charest, donnait l’impression de manquer de volonté politique en matière de promotion du français. « Il y a un sentiment d’inaction qui inquiète les Québécois », dit-il.

Ce manque d’engagement serait comparable à celui du gouvernement fédéral, avec l’abandon de la contestation judiciaire, les compressions culturelles et le refus d’intervenir pour soutenir Radio-Canada, selon M. Gagnon. « Ce sont des signaux qui nourrissent l’inconfort, voire l’insécurité linguistique chez les francophones du Québec. »

Il nuance toutefois l’ampleur du phénomène : « Que 90 % des francophones perçoivent une menace réelle pour le français me semble élevé », admet-il, tout en reconnaissant que le sondage traduit une réelle inquiétude dans la population.

Incompréhension entre communautés

Environ 60 % des Québécois francophones jugent que les anglophones comprennent mal la société québécoise, un avis partagé par seulement 20 % des anglophones et allophones. « Cela s’explique peut-être par une méconnaissance de l’ampleur des défis que vit la langue française », avance Jack Jedwab.

Même si une majorité de francophones entretiennent des relations avec des anglophones, cela ne semble pas réduire leur méfiance à l’égard de l’avenir du français au Québec.

D’ailleurs, 65 % des francophones ont le sentiment que les anglophones se comportent comme s’ils étaient majoritaires au Québec — une perception inversement partagée par seulement 20 % des anglophones.

La notion de “peuple fondateur” en débat

Le sondage posait aussi une question délicate : « Les anglophones sont-ils un peuple fondateur de la société québécoise ? » Pour Alain G. Gagnon, cette formulation bouscule l’interprétation historique des rapports entre le Québec et le Canada. Pourtant, 40 % des francophones québécois interrogés y ont répondu par l’affirmative, contre 80 % des non-francophones.

« Ce sondage soulève des zones d’incompréhension et mérite d’être débattu », conclut M. Gagnon.

L’immigration et l’intégration en question

Autre constat frappant : 40 % des personnes interrogées — toutes langues confondues — estiment que l’arrivée d’immigrants non chrétiens constitue une menace pour la société québécoise.

Par ailleurs, 57 % des francophones croient que l’immigration, toutes confessions confondues, représente une menace pour le français, contre seulement 13 % chez les anglophones et allophones. Les francophones expriment un fort désir de voir les nouveaux arrivants apprendre la langue française.

Enfin, environ 60 % des francophones souhaitent que les immigrants abandonnent certaines de leurs traditions pour adopter celles de la majorité québécoise. Ce point de vue est partagé par seulement 30 % des non-francophones.

Ce sondage en ligne a été réalisé du 11 au 14 mai auprès de 1 000 personnes au Québec. La marge d’erreur est de ±3,9 %, 19 fois sur 20. Les résultats ont servi de base aux discussions d’un déjeuner-causerie réunissant des représentants de l’AEC, du journal Le Devoir, de The Gazette, du CRIDAQ et du QCGN.

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