Une manifestation symbolique
Le 20 janvier 2016, les Jeunes Patriotes du Québec ont manifesté devant les bureaux de la ministre Christine St-Pierre. Leur message : le français recule au Québec, particulièrement à Montréal, et le gouvernement semble détourner le regard.
Une étude enterrée pendant des années
Depuis près de deux ans avant la confirmation de Statistique Canada en décembre 2015, une étude commandée par le gouvernement du Québec alertait sur un fait majeur : les francophones de langue maternelle étaient devenus minoritaires sur l’île de Montréal.
Réalisée par le démographe Marc Termote, cette étude pointait une progression inattendue de l’anglicisation chez les allophones au cours de la dernière décennie. Et selon lui, la récente décision du gouvernement d’augmenter le seuil d’immigration à 55 000 personnes par an ne ferait qu’accélérer cette dynamique.
Des conclusions politiquement sensibles
Marc Termote dénonce une forme de « paranoïa évidente » dans les sphères gouvernementales et à l’Office de la langue française, face aux constats démolinguistiques qu’il a soulevés. Basé sur la langue d’usage à la maison, son analyse montre une tendance claire : « Tous les facteurs démographiques jouent contre le français », résume-t-il.
Chercheur de longue date à l’INRS puis à l’Université de Montréal, il a remis en août 2006 à l’Office de la langue française une mise à jour de son étude sur l’évolution linguistique du Québec. Il identifie notamment comme cause du déclin du français la sous-fécondité des francophones, particulièrement marquée à Montréal, même en comparaison des anglophones.
Certains ont tenté de minimiser l’ampleur du problème en affirmant que de nombreux francophones avaient quitté l’île pour la couronne nord ou sud. Mais Termote nuance : « Même hors de l’île, la proportion de francophones diminue. »
Le poids de l’immigration et l’attraction de l’anglais
Le démographe note également une hausse de l’usage de l’anglais comme langue d’usage à domicile, y compris hors de Montréal. Il insiste : « On a sous-estimé la force d’attraction de l’anglais. » Et si le gouvernement choisit des immigrants qui parlent français, ils restent en majorité issus de cultures non francophones. Ce qui, selon lui, ne garantit pas une intégration naturelle à la francophonie québécoise.
Il ajoute : « Plus vous augmentez le nombre d’immigrants, plus la proportion de francophones baisse rapidement. » Selon le recensement de 2006, le français était alors la langue d’usage pour 52,6 % des habitants de l’île. Une proportion appelée à diminuer encore.
Une publication annulée sous pression politique
Prévue pour être rendue publique en janvier 2007, l’étude de Marc Termote a finalement été bloquée par le gouvernement. Après des mois d’attente, une conférence de presse était enfin organisée par la ministre St-Pierre, mais elle fut annulée à la dernière minute, officiellement pour des raisons de calendrier.
Termote affirme que la ministre St-Pierre, ancienne journaliste, semblait de bonne foi, mais que la décision d’annuler provenait d’instances supérieures. France Boucher, alors présidente de l’Office de la langue française, l’aurait informé par téléphone de l’annulation.
Le contexte était délicat : cette étude aurait été publiée dans la même semaine qu’une enquête sur l’embauche d’un unilingue anglophone à Montréal et qu’une controverse sur la qualité des services en français dans 2 500 commerces du centre-ville.
Une manœuvre d’enfouissement administratif
Selon Termote, il est clair que le gouvernement a tenté d’« enterrer » les résultats. L’étude serait finalement publiée aux côtés de dizaines d’autres documents dans un rapport global sur la situation linguistique au Québec, diluant ainsi son impact. « C’est la première fois que cela se passe comme ça », dit-il, amer.