Par Mario Girard, Ariane Lacoursière, Louise Leduc
Le Front de libération du Québec (FLQ) serait-il en train de refaire surface ? C’est ce que suggère un récent communiqué anonyme envoyé à plusieurs médias québécois ainsi qu’à certaines mairies de la région montréalaise. Le message, actuellement sous enquête policière, suscite toutefois peu d’inquiétude parmi les anciens membres du mouvement et les figures du nationalisme québécois.
Signé par une supposée nouvelle cellule baptisée Camille-Laurin, le document, daté du 15 novembre, dénonce ce qu’elle qualifie d’« impérialisme anglo-saxon » dans l’ouest de Montréal. Le texte évoque « un mépris constant envers la langue française et les droits des francophones » dans un quartier majoritairement anglophone. Il promet des actions à venir « dans exactement trois mois, sans avertissement préalable », faisant ainsi allusion au 15 février, date marquante pour les nationalistes québécois : celle de l’exécution de patriotes impliqués dans les Rébellions de 1837-1838.
La Gendarmerie royale du Canada prend l’affaire au sérieux. « Nous traitons ce genre de menaces avec rigueur, même en l’absence de preuves concrètes d’un passage à l’acte », déclare le caporal Sylvain L’Heureux, porte-parole de la GRC. « Si cette initiative s’avère être une farce, ses auteurs devront en assumer les conséquences. »
Cependant, de nombreux anciens felquistes doutent de l’authenticité et du sérieux du message. Serge Provost, président de la Milice patriotique québécoise, se montre plus ouvert à cette hypothèse : « Dans les milieux radicaux, on prétend que le FLQ n’est jamais mort. Je n’ai jamais entendu parler de cette cellule Camille-Laurin, mais il n’est pas impossible qu’elle existe. »
À l’inverse, Raymond Villeneuve, l’un des fondateurs historiques du FLQ, reste sceptique. « Depuis des années, on entend parler de jeunes qui rêvent de ressusciter le FLQ. Mais cela reste de l’ordre du fantasme », affirme-t-il.
Le cinéaste et ancien felquiste Jacques Cossette-Trudel relativise aussi la menace. « Des messages de ce genre, j’en ai vu passer des dizaines depuis les années 70. C’est plus un acte symbolique qu’un plan sérieux. » Pour lui, le décalage générationnel rend cette résurgence peu crédible : « Annoncer une action violente trois mois à l’avance, ce n’est pas dans l’esprit du FLQ original, qui n’a jamais donné de préavis ! »
Même son de cloche chez Patrick Bourgeois, militant indépendantiste et rédacteur en chef du Québécois. « Je reçois ce genre de courriel régulièrement. Les anciens felquistes, de Francis Simard à Jacques Lanctôt, n’envisagent pas un retour du FLQ. La lutte pour l’indépendance ne peut plus passer par la violence. Si un tel groupe refaisait surface aujourd’hui, il serait en complet décalage avec l’époque actuelle, et ses membres passeraient pour des illuminés. »